Il résulte de ce passage qu'en 1664 la majeure partie du Bas Bréau (120 arpents) n'est nullement dépérissante. Elle rentre dans les bois de la première qualité, celle des futaies qui sont en état de profiter, et c'est pourquoi le réformateur la met en réserve. Il ne reconnaît comme dépérissants que 30 arpents ; ceux-là seront recépés, et nous voyons en effet que le recépage de cette partie est ordonné pour l'année 1666 (page 277).
En la circonstance, Barillon d'Amoncourt a fait simplement ce que font les forestiers de tous les temps et de tous les pays ; il a suivi les indications culturales.
C'est une pure illusion que de prêter aux hommes d'autrefois des idées écloses d'hier. Laisser indéfiniment sur pied, dans un but ornemental, des arbres arrivés à l'état de dépérissement et culturalement exploitables est une
conception que les administrateurs de l'Ancien Régime ont totalement ignorée, et contre laquelle protestent tous leurs écrits. Est-ce à dire qu'ils n'avaient aucun sens artistique ? Ce serait les calomnier, ils avaient une esthétique, mais c'était l'esthétique de leur temps, celle qui prenait à Versailles son mot d'ordre et ses modèles. La forêt était le décor des chasses royales et les forestiers s'attachaient à conserver à ce décor toute sa magnificence. Repeupler les vides, empêcher la formation de ces plaines "dont la vue pourrait déplaire au Roi" (Barillon d'Amoncourt 1ère réformation).
Accroître la forêt par des acquisitions, aménager de larges carrefours, ouvrir à perte de vue des routes où les carrosses de la Cour circuleront à l'aise, planter le long de ces routes des ormes ou des trembles dont le feuillage léger égaiera le front sévère des futaies, (Registre Duvaucel, pages 360 et suiv.), telles sont les améliorations que poursuivent les Grands Maîtres
et les Officiers de la Maîtrise, telle est la contribution qu'ils ont apporté à la beauté de la forêt de Fontainebleau et dont nous ne saurions trop leur être reconnaissants.
Reconnaissance d'autant plus légitime que leur tâche était plus ingrate. Si l'exercice de la chasse a été favorable à la conservation de la forêt de Fontainebleau, c'est d'une façon indirecte et détournée, en obligeant les forestiers à redoubler de zèle et d'effort pour maintenir l'état boisé. Par lui même en effet l'exercice de la chasse est une cause journalière de dégradation et de ruine ; de tout temps il y a eu antagonisme entre les intérêts de la chasse et les intérêts forestiers, et les Grands Maîtres n'ont pas manqué de s'en plaindre.